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Vendée Globe. Duel au sommet !

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© Vincent Curutchet/Alea/Disobey/Apivia

Ce dimanche, après 7 semaines pleines de course, et tandis que les routes des leaders ont fini par converger, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) mène la flotte avec 101 milles d’avance devant Charlie Dalin qui, discrètement mais sûrement, s’impose jour après jour comme un prétendant à la victoire.

Puisque, de mémoire de fermier bressan, les comptes ne sont jamais meilleurs qu’à la fin de la foire, l’heure est donc venue de sortir le calepin de la veste de velours, et de poser les chiffres au crayon de bois.

En ce dimanche après-midi, Yannick Bestaven et Charlie Dalin naviguent de nouveau dans le même système météo, quatre jours après avoir opté, chacun de son côté, pour le voyage qui s’imposait à lui, l’Arcachonnais dans le Nord et le Normand dans le Sud. A croire qu’on passe sa vie à courir après ce qu’on n’a pas.

Mercredi dernier, au classement de 15 heures, 90,8 milles séparaient Maître CoQ IV d’Apivia. Ce dimanche, à la même heure, les deux hommes sont distants de 81,4 milles si l’on se réfère au point de référence du classement, situé quelque part du côté du Cap Horn, et d’un peu plus si on estime leur éloignement longitudinal. Compte tenu de l’avantage de placement de Yannick Bestaven face à la dépression qui s’entortille devant eux, et du besoin qu’aura Charlie de contre-border une nouvelle fois pour ne pas se retrouver acculé au près contre la limite de la zone des glaces dans les heures qui viennent, l’écart entre les deux hommes prendra un tour de taille supplémentaire dans les heures à venir : au classement de 15 heures, il était de 101 milles. Yannick Bestaven poursuit encore et toujours son brillant récital en tête de ce Vendée Globe inattendu.

Malgré ces chiffres bruts, il faut noter que Charlie n’a que peu perdu dans cet épisode alors que sa route louvoyante dans le Sud lui promettait d’avoir à régler une addition bien plus lourde. Et s’il a réussi à maintenir un écart d’une dizaine d’heures avec le leader, c’est parce que lui aussi a vraiment bien travaillé.

La force de l’habitude a ceci de terrible qu’elle normalise ce qui, sinon de l’exploit, relève de l’excellent. Présent dans le top 3 du Vendée Globe sans discontinuer depuis le classement de 9 heures du 18 novembre dernier, Charlie Dalin a subi les foudres silencieuses de la normalité.

On l’a vu en novembre contourner par le grand large la tempête Théta et comprendre ce que son entourage ne cessait de lui répéter, à savoir que, pour aller loin, il allait falloir ménager sa monture ; on l’a vu en décembre s’arrêter 18 heures pour sculpter une nouvelle cale basse pour le puits de son foils bâbord, scie circulaire à la main, repartir, et commenter ses déboires avec la distance de celui qui savait très bien qu’il finirait par s’arrêter sur la case « casse » du Monopoly du Vendée Globe un jour ou l’autre.

Coincé entre l’aura de la divine surprise que constitue la domination de Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) et la résistance épique de Thomas Ruyant, « l’homme qui prend la tête devant Alex Thomson, qui monte au mât, qui s’ampute d’un demi-foil et qui vide son bateau de l’eau que lui fait embarquer la mer après avoir ouvert une trappe à l’avant », le natif du Havre trace sa route à l’intuition puisqu’il s’y réfère, à force d’analyses puisque c’est son mode de fonctionnement. Et discrètement.

Sur l’eau, la trace est belle. On l’a vu se contenter de l’élastique, mais il travaille à s’accorder mieux encore. Charlie Dalin se voit confier la mission d’endosser la charge et les responsabilités du roi – puisqu’il est le favori qui assure –, sans porter la couronne. A une marche du sommet du perron, il dirige sans être l’Elu. Il est le Prince qui s’en sort dans une météo inédite. Mais entre son affabilité teintée d’humour anglo-normand et sa capacité à louvoyer en attendant le moment de happer sa proie, en bon figariste, le skipper d’Apivia trace sa route discrètement. Ici l’ombre, le Normand parle aux Français.

Le Vendée Globe de l’avant connaît un nouvel épisode. Après celui sur l’histoire des hommes pressés contrariés par un énorme anticyclone, place au suivant, dans lequel le premier rôle est tenu par une dépression qui s’enroule sur elle-même et impose aux skippers de très bien viser pour profiter de vents porteurs.

Ruyant s’en sort bien

Il y avait, dans les mots de Thomas Ruyant ce matin, une forme de soulagement. L’univers du skipper de LinkedOut ne s’est pas encore teinté de bleu, mais il avait les idées moins sombres ce dimanche matin. Après avoir reculé dans le classement jusqu’à la 10e place, du fait des placements sur l’eau, Thomas Ruyant pointait de nouveau à la 3e place au classement de 9 heures ce dimanche matin. « Il y a quelques jours, la stratégie était assez peu claire, assez peu fiable. Avec un régime anticyclonique comme ça, c’est dur d’avoir une vision très précise. Ma route Nord a été dictée par la bulle anticyclonique. C’était une route obligatoire à la vue de ma position, je n’avais pas trop d’autres choix que de monter là-haut. Les questions étaient plutôt de savoir jusqu’où monter et quand redescendre. Ça a été quelques jours un peu pénibles, à voir le compteur des milles augmenter entre la tête de flotte et moi. C’était un passage à niveau. Il va y avoir un écart assez conséquent au Cap Horn, mais je ne lâche pas, rien n’est fait ! Il y a encore plusieurs systèmes météo d’ici le Cap Horn ».

Tandis que Thomas Ruyant a remis du Sud-Est dans sa route, le groupe de chasse est contraint de mettre du Nord pour contourner la zone de haute pression en passe de glisser définitivement sous la ligne de la Zone d’Exclusion Antarctique. Dans ce recalage, Damien Seguin (Groupe Apicil), nouveau 4e, Jean le Cam (5e) et le reste de ce peloton de 10 skippers perdent un peu de terrain. 11e, Louis Burton (Bureau Vallée 2) pointe à 533,1 milles de la tête. 12e, encore à 16 nœuds de moyenne au cours des quatre dernières heures, Clarisse Crémer (Banque Populaire X) à 837,6 milles… et Armel Tripon à 1053,6. L’Occitane en Provence reviendra sans doute se mêler à la lutte pour les places d’honneur (dans un premier temps) d’ici mercredi.

Plus loin, aux 16e et 17e places, Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle) et Pip Hare (Medallia) ont eu la présence d’esprit de se poser à l’avant d’une dépression dans laquelle soufflent des vents d’Ouest d’une bonne trentaine de nœuds. Ils profitent pour l’heure de conditions parfaites pour avancer à 21,9 pour le premier, à 19,6 pour la seconde, épatante aux commandes de Superbigou, le bateau construit par Bernard Stamm à la fin du millénaire dernier. Les deux marins, ainsi que Romain Attanasio (Pure – Best Western Hôtels & Resorts) se préparent à déjà à voir cette dépression leur passer dessus. Attention, chérie, ça va secouer.

Un peu plus loin, si Jérémie Beyou (18e) connaît un temps faible au vent arrière, Miranda Merron (Campagne de France) profite de vents soutenus, annonciateurs du passage prochain d’une dépression.